Plusieurs thèses s’affrontent en la matière. La position défendue par l’administration fiscale s’appuie sur la notion fiscale de salarié et soumet à la taxe sur les salaires les sommes relevant, d’un point de vue fiscal, de la catégorie des traitements et salaires pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. La jurisprudence se fonde classiquement sur l’affiliation au régime général de sécurité sociale pour soumettre à la taxe les rémunérations des dirigeants sociaux obligatoirement affiliés à ce régime.
La position retenue habituellement par l’administration fiscale et la jurisprudence
Avant l’entrée en vigueur de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2013, l’assiette de la taxe sur les salaires était en effet définie par référence à l’assiette des cotisations du régime général de la sécurité sociale. Ainsi, étaient assujetties à la taxe sur les salaires les sommes considérées comme des rémunérations d’un point de vue social, à savoir, selon l’administration fiscale et la jurisprudence, celles versées aux salariés au sens du droit du travail ou aux personnes affiliées au régime général de sécurité sociale.
La nouvelle position jurisprudentielle
Dans une décision en date du 25 juillet 2014, la Cour Administrative d’Appel de Nancy a quant à elle bougé les lignes en jugeant que les rémunérations versées à un dirigeant non salarié au sens du droit du travail ne sont pas soumises à la taxe sur les salaires.
Cette décision concerne l’assujettissement à cette taxe des rémunérations versées par une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée à son gérant et associé non salarié.
Dans cet arrêt, la Cour considère que seules les rémunérations versées à des salariés au sens de la réglementation sociale peuvent être soumises à la taxe sur les salaires. Ainsi, les sommes versées par une Eurl non assujettie à la TVA pour rémunérer son unique gérant et associé ne sont pas soumises à cette taxe en l’absence de tout lien de subordination.
La Cour ajoute qu’un tel associé ne figure pas parmi les personnes affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général sur la base des dispositions de l’article L. 311-3 du code de sécurité sociale, visant les gérants ne possédant pas ensemble plus de la moitié du capital social.
Ainsi la Cour Administrative d’Appel de Nancy rejette toute analyse qui reposerait sur la qualification fiscale des rémunérations reçues, en considérant que les sommes versées aux dirigeants peuvent être imposées comme des traitements et salaires sans être juridiquement qualifiés de salariés.
Les conséquences de cet arrêt
En présence d’une SAS ou d’une SA, le Président, les Directeurs généraux non-salariés d’un point de vue strictement juridique et social pourront ils bénéficier de cette nouvelle jurisprudence ? Cela mettrait un terme à la position de l’administration fiscale qui considère que les rémunérations de ces dirigeants doivent supporter la taxe sur les salaires, en particulier dans les sociétés holding bénéficiant de distributions de dividendes de leurs filiales tout en réalisant des prestations de services à leur profit.
Une telle position serait dans la droite ligne de la nouvelle rédaction du texte relatif à l’assiette de la taxe sur les salaires, applicable aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013, faisant désormais clairement référence aux « salariés ».
Elle serait néanmoins contraire à la position prise par le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 8 juin 2011, dans lequel avait été confirmée une décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Nantes validant l’application de la taxe sur les salaires sur la rémunération d’un dirigeant de SA considéré comme « l’unique salarié de la société», privilégiant ainsi le régime d’imposition du dirigeant.
Le Conseil d’Etat saisi de la décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Nancy, devrait se prononcer prochainement à ce sujet.
Il n’est pas exclu que le législateur intervienne pour couper court à une déperdition de la masse imposable par le Trésor Public, comme il l’a déjà été fait dans le passé.
A cet égard, le dépôt d’une réclamation contentieuse, avant une telle intervention, pour préserver les droits de l’entreprise à contester l’imposition à la taxe sur les salaires des rémunérations allouées à ses dirigeants assimilés salariés, me paraît une stratégie à envisager.